Par Nicola Di Virgilio, Product Owner
Gérer des projets IT aujourd’hui c’est jongler avec l’urgence, la coordination et l’anticipation.
Dans les métiers de la gestion IT, où la réactivité est une condition de réussite, l’absence d’un PM ou d’un PO ne s’improvise pas.
Le départ en congés d’un Project Manager ou d’un Product Owner, en tant que figures professionnelles clés, peut devenir une source de tension s’il est mal préparé. Cette fonction centrale, qui orchestre les interactions entre les équipes techniques, les parties prenantes métiers, les fournisseurs externes et parfois même les utilisateurs finaux, ne peut simplement disparaître sans laisser de trace. Pourtant, avec une organisation rigoureuse et quelques bonnes pratiques bien ancrées, il est tout à fait possible de partir en congés l’esprit tranquille et de revenir sans devoir affronter un chaos logistique ou des urgences empilées.
Le but de cet article est d’apporter une grille de lecture pratique, inspirée des meilleures pratiques du Project Management et du Product Ownership, pour anticiper au mieux un départ en congés et assurer une reprise fluide, tant pour le chef de projet que pour ses équipes.
1. Préparer en amont sa sortie : anticiper plutôt que subir
Une des erreurs les plus courantes consiste à préparer son départ à la hâte, dans les derniers jours avant les congés, avec le risque de bâcler des étapes importantes. En réalité, une planification efficace commence en amont, idéalement une à deux semaines avant la date de départ. Ce laps de temps permet non seulement de mieux organiser la transmission des sujets, mais aussi de sécuriser les échéances critiques et de donner de la visibilité à l’ensemble des acteurs concernés.
Il est essentiel d’identifier à l’avance les sujets stratégiques ou potentiellement bloquants. Par exemple, si une livraison importante est prévue durant votre absence, il faudra clarifier les responsabilités, vérifier que les ressources nécessaires sont bien mobilisées, et que les tests ou validations pourront être faits sans attendre votre retour. Cela implique aussi de prioriser les tâches et de clarifier les attentes sur ce qui doit réellement être livré ou tranché pendant cette période.
Informer les parties prenantes en amont (clients, sponsors, responsables métier), permet également de gérer leurs attentes. Ce type de communication renforce la confiance et réduit la probabilité d’escalades inutiles. Dans les environnements agiles, la mise à jour du backlog, la clarté des user stories, et la communication autour de la roadmap sont autant de leviers pour assurer une continuité.
💡À retenir pour cette phase :
- Commencer la préparation au moins une à deux semaines avant le départ
- Identifier les livrables sensibles et les points bloquants potentiels
- Mettre à jour la roadmap et les user stories
- Informer de manière proactive les parties prenantes
- Clarifier les tâches prioritaires et celles pouvant être différées
2. Organiser la continuité opérationnelle : déléguer intelligemment
Contrairement à une idée reçue, déléguer n’est pas une preuve de faiblesse ou de désengagement : c’est une compétence clé du management. L’objectif est d’assurer que le projet continue de manière fluide, même en l’absence temporaire de la personne qui le pilote. Pour cela, il est indispensable de désigner un relais ou une équipe de relais, en fonction de la taille et de la complexité du projet.
Ce relais n’a pas besoin de prendre toutes les décisions à votre place, mais doit avoir les moyens et les informations nécessaires pour traiter les sujets courants, répondre aux demandes, et alerter en cas de dérive. La mise en place d’une note de passation écrite est ici cruciale. Elle permet de structurer les informations utiles de manière concise : contexte, tâches en cours, points de vigilance, échéances critiques, contacts clés, mais aussi éléments de langage à tenir auprès de certains interlocuteurs externes ou internes.
Dans certains cas, des outils peuvent également être mobilisés pour automatiser des tâches répétitives ou générer des alertes (notifications Jira, rapports de performance, outils de monitoring). Il s’agit de créer un filet de sécurité qui soutient l’équipe et évite que tout repose sur une seule personne.
💡Ce qu’il faut mettre en place :
- Identifier un ou plusieurs relais fiables
- Rédiger une note de passation claire et structurée
- Définir les limites d’autonomie du relais
- Activer des outils d’automatisation ou d’alerte si possible
- Partager les canaux de communication prioritaires
3. Documenter pour ne pas dépendre de la mémoire
La mémoire humaine étant limitée et souvent subjective, il est dangereux de s’en remettre uniquement à l’oral ou à la mémoire collective d’une équipe. Un projet, en particulier dans un environnement technique, produit chaque jour des décisions, des arbitrages, des ajustements qui peuvent paraître évidents sur le moment mais devenir flous quelques semaines plus tard. D’où l’importance de documenter, non pas de manière exhaustive, mais avec pertinence.
Documenter ne signifie pas rédiger des rapports de 50 pages, mais plutôt consigner les informations essentielles de manière claire, accessible et centralisée. Cela inclut les décisions prises récemment et les arguments qui ont conduit à ces choix, les priorités actuelles du projet, les tickets critiques, les points d’attention sur certaines intégrations techniques ou encore les éventuelles dépendances vis-à-vis de partenaires externes.
Ce type de documentation est particulièrement utile pour éviter les doublons ou les retours en arrière à la reprise. Elle facilite aussi la montée en compétence temporaire des personnes qui prennent le relais. Il est conseillé d’utiliser des outils déjà en place (Confluence, Notion, Google Docs, etc.) pour ne pas ajouter une nouvelle couche de complexité ou de formation.
💡À documenter en priorité :
- Décisions récentes et leur justification
- État d’avancement des tâches critiques
- Dépendances et points de vigilance
- Tickets techniques à surveiller
- Liens vers ressources et outils utilisés
4. Préparer sa boîte mail et ses outils pour la reprise
Le retour de congés est souvent perçu comme un moment difficile, principalement à cause de la masse d’informations à traiter. Les mails non lus, les messages en attente, les notifications sur les différents outils de travail peuvent rapidement créer un sentiment d’oppression et de surcharge cognitive. Une bonne partie de ce stress peut pourtant être atténuée en amont.
Activer une réponse automatique bien pensée n’est pas une simple formalité. Elle doit contenir des informations claires et utiles : vos dates exactes d’absence, les coordonnées de la personne à contacter en cas d’urgence, et si possible un lien vers le document de passation. Cela permet de canaliser les demandes vers les bons interlocuteurs et de filtrer les urgences réelles.
Il est également pertinent de créer des filtres dans sa boîte mail avant le départ. Classer automatiquement les messages par type, projet ou degré d’urgence permet de traiter les mails de manière plus efficace au retour. On peut aussi bloquer dans son agenda une demi-journée le jour de la reprise, pour faire le tri, répondre aux messages et se remettre dans le bain avant d’enchaîner les réunions.
💡Quelques gestes simples mais utiles :
- Paramétrer une réponse automatique complète et utile
- Créer des filtres de tri dans la boîte mail
- Bloquer une demi-journée dans son agenda à la reprise
- Limiter les réunions le premier jour de retour
- Centraliser les messages clés dans un fichier de suivi
5. Favoriser l’autonomie de l’équipe pendant l’absence
Le départ en congés d’un PM peut être une belle opportunité de faire monter l’équipe en autonomie. Trop souvent, certains collaborateurs prennent l’habitude de remonter toutes les questions ou décisions au chef de projet, ce qui peut engendrer une dépendance contre-productive. Encourager l’autonomie, c’est préparer les conditions d’un collectif plus efficace, même au-delà de la période d’absence.
Cela passe notamment par une meilleure répartition des responsabilités. Encourager le binômage sur certains sujets clés, ou encore désigner un référent technique ou fonctionnel pour chaque domaine, permet de diluer la charge et de sécuriser la continuité. C’est aussi l’occasion d’initier une culture de prise d’initiative encadrée : plutôt que d’attendre systématiquement une validation, certaines décisions peuvent être prises localement à condition de respecter un cadre défini en amont.
Cette autonomie se développe aussi par la confiance : en montrant que l’on fait confiance à l’équipe pour gérer les imprévus ou les priorités, on favorise un climat de responsabilisation. Les bénéfices sont visibles à long terme, bien au-delà de la simple période de congés.
💡Concrètement, cela peut se traduire par :
- Binômage sur des sujets sensibles ou à fort enjeu
- Désignation de référents techniques ou métiers
- Clarification des marges de manœuvre pour les décisions
- Encouragement à documenter localement les choix faits
- Débrief de valorisation à la reprise
6. La reprise : phase critique à ne pas négliger
Revenir de congés ne signifie pas revenir à 100 % dès la première heure. Une reprise bien pensée est progressive et méthodique. L’idée n’est pas de rattraper tout le temps « perdu », mais de se repositionner rapidement sur les enjeux du moment.
La première étape consiste à faire un point de synchronisation rapide avec les personnes qui ont assuré l’intérim. Il est important de ne pas négliger ce moment d’échange, même informel, pour comprendre les évolutions récentes, les décisions prises, les incidents éventuels ou les opportunités saisies. Relire les comptes rendus, les messages échangés et les rapports permet ensuite de compléter ce tableau de manière factuelle.
La seconde étape est de réévaluer la roadmap. Des ajustements peuvent être nécessaires, soit pour rattraper du retard, soit au contraire pour capitaliser sur les avancées inattendues. Un bon retour de congés se fait donc avec une prise de recul stratégique, en ajustant les objectifs si besoin.
Enfin, communiquer son retour, que ce soit via un message à l’équipe ou un court échange avec les parties prenantes clés, permet de marquer une relance dynamique. Cela montre que vous reprenez le leadership du projet avec clarté et engagement.
💡Étapes clés de la reprise :
- Synchronisation avec les personnes relais
- Lecture et revue des décisions prises durant l’absence
- Ajustement de la roadmap si nécessaire
- Message de retour et reprise de leadership
- Identification des actions prioritaires de la semaine
Conclusion
Le départ en congés d’un chef de projet ou d’un product owner, loin d’être une source de stress inévitable, peut devenir un levier d’organisation, de structuration et même de responsabilisation pour l’équipe. En adoptant les bonnes pratiques avant, pendant et après l’absence, on transforme une contrainte temporaire en opportunité d’amélioration continue.
Dans le monde de l’IT, où les projets sont complexes et les attentes souvent élevées, cette rigueur dans la gestion des transitions fait toute la différence. Mieux préparés et plus sereins, le PM et le PO reviennent non seulement reposés, mais aussi prêts à impulser une nouvelle dynamique à leur équipe.
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